04/11/2009
La France doit faire confiance à ses territoires
Tribune publiée dans le Ouest France, édition du 4 novembre 2009.
Point de vue par François MARC, Sénateur du Finistère, Vice-président de la Commission des finances au Sénat.
Chacun a, depuis 1982, pu mesurer sur le terrain les bienfaits que la décentralisation, initiée par la gauche, a apportés à la gestion publique et la qualité des services de proximité. Aujourd'hui, avec la réforme territoriale proposée par ce gouvernement, il s'agit bien d'une véritable remise en question de tout ce processus. « L'autonomie des collectivités », inscrite dans la Constitution en 2004, risque d'être jetée aux orties si le projet de gouvernement aboutit. Nombreux sont aujourd'hui les élus de droite comme de gauche à contester les arguments techniques et d'habillage financier du projet gouvernemental. Ce projet s'appuie sur un vrai réquisitoire contre les élus locaux, au motif qu'ils « coûteraient cher ». C'est oublier que la grande majorité (90 %) des élus n'est pas indemnisée et mène un mandat de manière bénévole, et dans un environnement juridique difficile. Le gouvernement prétend aussi que la confusion supposée des responsabilités conduirait à des dérapages financiers supportés par les contribuables. A vrai dire, les doublons ne sont pas si fréquents ; 90 % des actions engagées par les départements et les régions relèvent de leur champ de compétences propres. Les collectivités investissent chaque année près de 50 milliards d'euros, soit 73 % des investissements publics et assurent une gestion plutôt vertueuse de leurs budgets.
L'Etat est-il en mesure de faire la leçon aux collectivités en matière de finances publiques quand son déficit a doublé en un an ? L'endettement des collectivités locales ne représente que 11 % de la dette publique de l'Etat, qui s'élève à 1 500 milliards d'euros. La décentralisation mérite certes des améliorations. Pourtant le Parlement serait légitime à refuser ce projet de loi inabouti. Car la question principale est celle des risques pesant sur les services publics de proximité et, en conséquence, sur la situation sociale des territoires, la démocratie locale et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Dès 2010, les assemblées locales seraient dessaisies de leurs prérogatives fiscales. Ceci n'est rien d'autre qu'une mise sous tutelle, remettant en cause l'autonomie fiscale des collectivités locales. On peut d'ailleurs s'attendre à ce que moins d'autonomie fiscale se traduise par moins de service public de proximité... Au-delà du transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages, le projet de loi initie un processus de recentralisation qui renie de fait le principe démocratique selon lequel l'exercice du pouvoir doit être opéré en très grande proximité du citoyen.
Menacées de devenir de simples guichets, les collectivités territoriales risquent en outre de souffrir du manque d'initiative locale avec la suppression de la clause générale de compétences. Dans le même esprit, cette réforme tend à maintenir les inégalités territoriales actuelles en faisant l'impasse sur la question de la solidarité financière entre collectivités et la répartition des richesses entre territoires.
Si la France veut progresser, elle doit faire confiance à ses territoires.
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