17/05/2013
Prêts aux collectivités : l’horizon s’éclaircit
Tribune de François MARC
Sénateur du Finistère
Rapporteur général de la commission des finances du Sénat
- 30 avril 2013 -
Parue dans la Gazette des communes et La Tribune
En novembre 2011, le premier Ministre de l’époque François FILLON s’était engagé devant le congrès des Maires de France à consolider les moyens mobilisés pour l’emprunt des collectivités locales. Mais les décisions concrètes immédiates ne furent pas au rendez-vous... Pourtant, après le séisme DEXIA, les collectivités subissaient de plein fouet la pénurie de financements bancaires, dans le contexte de crise que l’on connaît.
Or, les collectivités locales ne sont pas des emprunteurs comme les autres. Tout d'abord, elles ne peuvent emprunter que pour l’investissement. Ensuite, est-il utile de rappeler qu'en 2012, avec 52,6 mds d'euros investis, elles assurent 75% de l’investissement public en France ? Dans ces circonstances, la logique de relance par l’investissement est clairement portée dans notre pays par les échelons locaux. On se souvient d’ailleurs, des plans « anti-crise » lancés en 2008 et 2009 par les Régions pour accélérer les grands programmes d’investissement et aider les entreprises.
A défaut de mieux, des solutions transitoires ont été proposées par le truchement de la Caisse des dépôts, laquelle a pu débloquer des prêts d’urgence aux collectivités en 2008, puis de nouveau en 2011 et 2012. Cela a permis d'éviter un trop lourd « credit crunch » et aux collectivités de pouvoir jouer leur rôle contra cyclique. De leur côté, de grandes collectivités ont quant à elles concrétisé des réflexions engagées dès 2004, en allant financer directement leurs investissements sur les marchés obligataires.
Cette crise du financement des collectivités nécessitait cependant une remise à plat des canaux de financement des investissements locaux. Et l'on ne peut que constater qu’en la matière, les leçons ont enfin été tirées quant à la dégénérescence du modèle libéral de financement, même si « le solde du passé » reste douloureux pour de nombreuses collectivités.
Concrétisant ses engagements en moins d’une année, le gouvernement, appuyé par sa majorité parlementaire, a mis en œuvre un plan de résolution des difficultés fondé sur trois grands principes, gages de fluidité et de sécurité pour les emprunteurs locaux : un contrôle des produits proposés, une multiplicité d’acteurs et la mise à disposition de capacités de financement larges et adaptées aux besoins locaux.
Encadrer les conditions de prêts
La nouvelle loi bancaire prévoit un encadrement strict des produits financiers proposés aux collectivités publiques : collectivités et groupements locaux, mais aussi offices HLM. Ces dispositions doivent éviter que ne se reproduisent les impasses budgétaires dans les lesquelles se trouvent de nombreuses collectivités ayant souscrit des emprunts dits " toxiques" (encore 14 milliards d'encours de ce type perdurent...), constitués de produits structurés, de modalités complexes et d'évolutions incontrôlées. Les maires n'ont pas vocation à se muer en traders chevronnés ! Il s’agit donc de soumettre désormais les emprunts souscrits à des obligations de clarté et de sécurité, notamment en termes d’indice et de risque de change. En clair, les établissements de crédits devront proposer des produits simples et transparents.
Diversifier les outils de financement
Au-delà de la sécurisation nécessaire des emprunts souscrits par les collectivités, le dispositif aujourd’hui proposé répond à une autre exigence : celle de la multiplicité des acteurs présents sur ce marché. La dérive puis la faillite de DEXIA -qui assurait 40% des besoins du secteur- n’ont que trop bien démontré les dangers de la concentration sur une offre dominante. Désormais, les collectivités disposeront de canaux plus diversifiés pour financer leurs investissements par l’emprunt. Ce nouveau paysage signe d’ailleurs le grand retour de la Caisse des Dépôts sur son créneau « historique » du financement des collectivités locales. Pour les prêts de long terme, les fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts vont être mobilisés pour prêter sur 4 ans 20Mds€ aux collectivités au profit de leurs investissements en matière de logement social, rénovation thermique, couverture numérique du territoire, investissements structurants dans les transports... Pour les prêts de court et moyen terme, il y a lieu de se réjouir du retour des banques traditionnelles de façon plus active sur ce marché dans le même temps où il est demandé à la Banque Postale de s'y positionner pour l'avenir de manière stratégique. Mais le début de l'année 2013 a surtout été marqué par l'arrivée d’un nouvel acteur public de financement : la Société de financement locale (SFIL), dont l'actionnariat est 100% public et la mission de refinancer les nouveaux prêts mais aussi de désensibiliser les prêts structurés existants. On doit en dernier lieu évoquer, la future agence de financement des collectivités, dont la création a été actée au Sénat dans le projet de loi bancaire et qui doit permettre aux collectivités de mutualiser leurs risques en allant collectivement se financer sur les marchés. L’esprit de responsabilisation des collectivités, qui préside au projet d’Agence, a clairement vocation à en assurer la solidité financière.
La présence de tels outils, respectant les règles de marché et challengeant l’initiative privée sur des critères de performance transparents, peut véritablement permettre d’atteindre la régulation bancaire tant souhaitée par l’ensemble des acteurs.
Elargir l'offre de crédits
Comme on peut naturellement le penser, la plus grande diversité d’acteur va permettre aux collectivités de pouvoir disposer à l’avenir de capacités élargies de financement, même si comme certains le redoutent, le cycle électoral n’est pas aujourd’hui propice à un rebond de l’investissement local. Ceci étant, pour l’avenir une chose est sûre, les dispositifs publics mis en place proposent de couvrir les différents besoins de financement des collectivités : les prêts de long terme d’un côté, traditionnellement peu intéressants pour le secteur bancaire, et les prêts de moyen terme de l’autre, qui le deviennent de moins en moins eux aussi, par effet de ricochet des nouvelles normes bâloises. La Caisse des Dépôts mobilisera 4 milliards d’euros dès 2013 sur l’emprunt de long terme via ses fonds d'épargne. L’agence de financement des collectivités ambitionne pour sa part de couvrir à terme 25% des besoins annuels. La SFIL a un objectif de production de l’ordre de 4 milliards d’euros en 2013, puis de 5 milliards d’euros les années suivantes. Quant au secteur bancaire traditionnel, il a vocation à être performant et inventif pour trouver sa place sur ce marché renouvelé du crédit aux collectivités…
Il est clair que les finances locales sont aujourd'hui en proie à de lourds défis. Pour autant, à l’aube de l’acte III de la décentralisation, on peut admettre qu’une étape essentielle est déjà franchie : celle du financement pérenne et sécurisée des investissements locaux, accélérateurs de croissance.
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Commentaires
Bonjour,
Cela semble effectivement des mesures intéressantes. Et, il est grand temps de donner plus de flexibilité bancaire aux collectivités territoriales qui ont un rôle moteur dans l'économie nationale.
Mais, il est étonnant un an après l'élection de François HOLLANDE que le monde de la finance, tant "menacé" dans la campagne électorale, non seulement n'a pas changé mais continue de plus belle, non seulement à augmenter allègrement ses rémunérations et celles de leurs traders, mais également à mettre en oeuvre des produits spéculatifs dont la moralité dépasse l'entendement (spéculation sur la mort des citoyens par le rachat des assurances-vie par des banques qui ont "le bon sens près de chez soi" et la BNP (qui a quand même promis de mettre fin à cette pratique).
Si ce gouvernement et si cette assemblée nationale (à qui j'ai apporté ma voix en contribuant à l'élection de JL Bleunven) étaient vraiment socialistes, les promesses électorales devraient aujourd'hui se concrétiser par le remplacement de tous ses dirigeants bancaires (et leur poursuite judiciaire...il serait moins choquant de les poursuivre que de poursuivre les fraudeurs de droit commun qui accomplissent certes des actes peu louables mais parfois pour leur simple survie!!!) qui spolient les citoyens.
Il reste 9 mois à François Hollande, à son gouvernement et à son Parlement de ressusciter l'espérance. Passé ce délai, la déroute électorale est annoncée pour les municipales et la bérézina pour les européennes qui verront le FDG et le FN devant le PS.
Un socialiste dans l'expectative.
André Cadalen
Écrit par : CADALEN | 19/05/2013
Le train du financement des collectivités semble pouvoir être remis sur les rails après la catastrophe post 2008.
Puis-je suggérer en plus d'explorer de nouvelles pistes et de réfléchir / expérimenter le financement collectif collaboratif (crowdfunding). L'impôt & le prêt & l'emprunt sont deux sources classiques, mais pourquoi ne pas tester aussi le crowdfunding pour financer les investissements collectifs. Il faut pour cela revoir la législation en la matière mais cela vaut le coup car c'est un moyen de mieux inclure les citoyens qui le désirent dans la vie des collectivités, de faire progresser la démocratie avec un moyen participatif et de sortir de la toute puissance bancaire & financière actuelle.
Écrit par : bloggy bag | 23/05/2013
A André CADALEN :
Je vous remercie pour votre commentaire et rejoins vos revendications, toutes légitimes.
Notez que le gouvernement s’attache à conduire les actions dans le sens d’une meilleure régulation dus secteur financier et bancaire. Le travail est en cours afin de préserver l’économie réelle des désordres créés par la financiarisation sans contrôle des marchés.
A titre d’exemple, a récemment été adopté le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Alors que l’Europe s'efforce de finaliser ses discussions, nous sommes en effet le premier pays de la zone euro (avec l’Allemagne) à légiférer, à la lumière de certaines préconisations du rapport LIKAANEN, pour une remise en ordre du secteur bancaire au service de notre économie.
Cordialement.
François MARC
Écrit par : MARC | 23/05/2013
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